mercredi, août 09, 2006

La démocratie selon Bush : exercice... imposé ou colonialisme déguisé?


Éditorial par Marie J. Girard

publié par AAPI /Montréal

Résumé de l'article
La "démocratie en marche" de Bush : une démocratie forcée de style nord-américain qui s'inscrit dans un redoutable plan dichotomique destiné à s'allier définitivement ses "ennemis" naturels ou, paradoxalement, l'ultime moyen de pacification du Proche-Orient et ce en cautionnant implicitement la guerre ?
Le président Bush et Condoleezza Rice ont une stratégie ; de cela on se doutait un peu.
Ce dont personne n’était certain - ambiguïté dorénavant levée lors de leur dernière conférence de presse - c’est que Bush et Condi veulent étendre leur conception de la démocratie à n'importe quel prix : au prix de vies innocentes ; au prix du refus ou de l’indignation des destinataires d’une si noble intention; au prix même de l’honnêteté et de la transparence, combien glorifiées mais toujours si habilement sacrifiées.
Le président Bush et la secrétaire d'État Rice, héros bicéphale d’une fable d'un nouveau genre, tels le yin et le yang, mènent une nouvelle croisade. Leur religion, qui fait pourtant l’apologie de la liberté et des droits individuels n’a ici plus rien de chrétien : c’est la religion de la « démocratie imposée ». Une démocratie de conquête qui s’apparente davantage à un « colonialisme déguisé » … mais en plus pervers.
La démocratie par essence, implique non seulement la participation universelle, le consentement des individus gouvernés et l'imputabilité publique des élus, elle sous-entend en outre une capacité de libre détermination.


A cet égard, il ne faut pas oublier que bien que doté d'une constitution, la véritable assise constitutionnelle du Liban demeure la religion et les nombreux partis qui le composent, d'où la "légitimité" du Hezbollah. Le type de démocratie pratiqué au Liban n'est en rien comparable à celui des États-Unis. D'ailleurs, comme l’a fait justement remarquer le président Bush lors de sa dernière conférence de presse, le Hezbollah est un parti élu au Parlement libanais.
On se demande alors en vertu de quel principe constitutionnel les États-Unis peuvent inciter le Liban à reprendre le contrôle de son territoire et mieux asseoir son autorité dans le Sud, sachant que ce même parlement a sans doute cautionné sinon toléré les agissements du Hezbollah? Cela équivaudrait au mieux à propulser le Liban dans une guerre civile entre factions divergentes.

Mais peut-être est-ce justement le but recherché. Un Liban en guerre civile relâcherait ostensiblement l'étau sur Israël et justifierait la force pacificatrice internationale.
Sans doute qu'auparavant, le Liban désirait ménager l’Iran et la Syrie. Mais maintenant que le sud du pays est à feu et à sang, la donne a mystérieusement changé et le Liban semble tenté de remettre à l'ordre du jour la pratique d'une réelle démocratie, de celle où l’on tient compte des désirs de paix de la population, et repousser Nasrallah (déjà opportunément retranché à l'ambassade d'Iran de Beyrouth) et ses troupes à la limite de la légalité constitutionnelle.


La manoeuvre d’implantation "démocratique" du gouvernement Bush, dont il a donné quelques exemples édifiants en Irak et en Afghanistan a manifestement pour but l’élargissement du nombre d’alliés des États-Unis. De là à croire que son action "silencieuse" au Liban, point stratégique dans la région, sous le couvert des résolutions présentées à L’ONU conjointement avec la France, était préméditée, il n’y a qu’un pas.
Le Liban, qui a eu le bon sens de refuser a dû choisir entre son autonomie et la fin des souffrances de son peuple. En disant vouloir déployer 15 000 soldats à la frontière, il envoie pourtant un message clair tant à Israël qu’au Hezbollah. En espérant que ce regain de confiance et d’énergie, aussi désespéré qu’il puisse paraître, apporte les résultats escomptés : la fin de ce carnage inutile.
Nous savons dorénavant qui sera le prochain bénéficiaire des faveurs américaines: Cuba. Mais les Cubains, fatigués par cinquante ans de privations et assoiffés de démocratie sauront-il résister à une offre d'amitié aussi tentaculaire… pas sûr.

/mjg girardmj@journalist.com