jeudi, mars 08, 2007

Bayrou : l'homme qui marche ou la force du destin?

publié à Montréal /AAPI

Nicolas Sarkozy a beau recevoir l'appui de la très distinguée Simone Veil qui a opportunément retourné sa chemise et fait défection de l'UDF, personne en France n'est dupe de cette "alliance"; et Ségolène Royal affirmer ne pas trop s'inquiéter de la montée du candidat Bayrou dont elle associe la popularitsé actuelle à sa stratégie "anti-système", il n'en reste pas moins que le monstre bicéphale représenté par nos deux compères, situés de par leurs convictions respectives aux extrémités opposées de la branche politique, sont pour le moins affolés et regardent du haut de cet effarement incrédule François Bayrou, l'homme du peuple, se tailler sereinement une part de choix, sinon la meilleure part, dans le gâteau électoral.

De plus, ce ne sont ni les sondages, car qu'est-ce qu'un sondage sinon l'élan du peuple en marche - et bien que l'on crédite désormais François Bayrou de 24% d'intentions de vote, derrière Ségolène Royal à 25% et Sarkozy à 26% - ni les fluctuations approximatives et partisanes gauche/droite s'exprimant dans l'indécision qui vont faire élire à coup sûr le candidat centriste.

Outre la prédiction de François Mitterrand qui a affirmé: "Surveillez Bayrou, il sera président", et ainsi perçu que derrière le fils bègue de petits agriculteurs béarnais, il y avait une formidable volonté et une détermination qui forcent l'admiration, c'est l'homme que la France découvre et c'est cet homme qu'elle va peut-être mener à l'Élysée, et ce malgré sa prestation dont certains affirment qu'elle fut discutable comme ministre de l'Éducation nationale à partir de 1993 et quelques gaffes dont une gifle plus ou moins paternelle (il a six enfants, il faut le comprendre...) à un gamin de dix ans, qui s'en souviendra toute sa vie...surtout si le gifleur devient président.

La France, en mal de politiciens crédibles auxquels elle puisse s'attacher est prompte à pardonner; elle est aussi capable de choisir le moindre mal, et c'est ce qu'elle a fait en réélisant Jacques Chirac pour écarter la menace que représentait au deuxième tour Jean-Marie Le Pen en 2002. Et aujourd'hui, elle croit à tort que ce moindre mal s'appelle Bayrou. Mais il pourrait s'avérer que l'option centriste, par un retournement inattendu du destin, devienne la chance sur laquelle on ne comptait plus pour sortir enfin ce pays de l'ornière.

Bayrou est aujourd'hui favorisé par une situation qui le place en lice avec des candidats incarnant ce que beaucoup de Français abhorrent désormais et ce dont ils ne veulent plus : une droite agressive et élitiste ironiquement concentrée à son plus haut niveau dans le candidat Sarkozy et un gauche sclérosée, impuissante et incapable de renouveau, ce que confirme le rapatriement récent des éléphants du parti par Ségolène Royal, et qui, soit dit en passant, se tiennent à carreau.

Mais devant l'homme qui marche en faisant fi des obstacles, il y a un destin. La France désabusée a besoin de renouveler sa confiance. Les Sarkozy-Royal apparaissent désormais comme ces deux guignols qui se tapent alternativement sur la tête, pendant que Bayrou, à l'image de la tortue de la fable poursuit calmement son chemin vers une victoire de moins en moins hypothétique.

Les sondages ne révèlent que l'expression unanime de cet étonnement collectif.

Comme le berger David préféré à ses frères et qui devint roi, Bayrou séduit justement par cet alliage de force, d'humilité et d'honnêteté qui contraste avec la rouerie, la vulgarité et l'opportunisme ambiants. Il se pose alors non seulement comme un alternative pour battre Sarkozy au deuxième tout, mais comme la SEULE alternative : il incarne donc désormais l'espoir de la France, c'est-à-dire tout.

Seul le temps dira s'il s'agit d'un engouement passager ou d'une réelle prise de conscience, ce que tous, finalement, souhaitent ardemment.